Le quatrième numéro de la brochure Fair Politics, portant sur la cohérence des politiques pour le développement du Luxembourg, est publié aujourd’hui par plusieurs organisations non-gouvernementales de développement (ONGD) luxembourgeoises et le Cercle de Coopération.
À travers 7 articles dédiés à des sujets comme la justice climatique, les droits humains, la justice fiscale, le devoir de diligence ou encore les risques et opportunités d’une implication du secteur privé (à profit) dans la coopération internationale, les auteur.e.s dressent un état des lieux de la cohérence des politiques pour le développement (CPD) au Luxembourg et proposent des recommandations pour remédier aux déficiences actuelles. Des baromètres graphiques expriment la prise de conscience et l’action du gouvernement luxembourgeois sur ces thématiques et permettent une comparaison de ces efforts dans le temps. Le constat principal du Fair Politics 2024 ? Qu’une vraie CPD ne saurait être créée en suivant le primat de l’intérêt privé, mais seulement en se basant sur une approche intersectionnelle, transversale et décoloniale dans la politique de coopération internationale.
La cohérence des politiques pour le développement décrit un effort de coordination politique au niveau programmatique et un catalogue de méthodologies visant à faciliter cette coordination. Le Luxembourg s’est engagé à assurer une CPD à travers différents traités internationaux et lois nationales qui lui imposent entre autres des normes de qualité. Les ONGD luxembourgeoises constatent que les efforts du gouvernement actuel n’assurent pas la qualité nécessaire.
Selon l’Union européenne (UE) la CPD « cherche à augmenter l’efficacité de la coopération au développement au profit des pays partenaires ». Le Fair Politics 2024 observe cependant un primat de l’économique dans la vision de la coopération internationale du gouvernement actuel, dont l’ambition est d’accorder un rôle de plus en plus important aux intérêts du secteur privé. Comme une coalition large d’acteurs de la société civile a récemment souligné, cette vision axée sur la plus-value financière relègue les ONG(D) au second plan et fait preuve d’une compréhension insuffisante du rôle fondamental du respect des droits humains et de la société civile pour un développement durable des (pays) partenaires de la coopération et du Luxembourg.
Le Fair Politics 2024 détaille cette analyse et fait des propositions d’amélioration à travers les 7 articles suivants :
Alors que la coopération au développement est censée bâtir un monde plus équitable, elle perpétue parfois des dynamiques de pouvoir et d’exploitation héritées du passé. Le Fair Politicsmet en lumière la nécessité d’adopter une approche décoloniale, encourageant des partenariats plus équilibrés entre le Luxembourg et les pays du Sud. Plutôt que de continuer à dicter les termes de l’aide, il est temps de soutenir une véritable autonomie des acteurs locaux, pour une coopération qui respecte pleinement les aspirations et besoins des populations bénéficiaires.
Un autre aspect crucial abordé par le Fair Politics est la place croissante du secteur privé (à profit) dans la coopération au développement. Si le secteur privé peut apporter des financements et certaines expertises, sa recherche de profit entre souvent en conflit avec les besoins des communautés locales. Si le gouvernement luxembourgeois souhaite promouvoir encore plus le secteur privé, le Fair Politics met en garde contre les risques de prioriser les intérêts commerciaux au détriment des objectifs de développement durable. Le Fair Politics appelle à une régulation plus stricte pour garantir que les entreprises respectent les droits humains et les normes environnementales, afin que les intérêts privés ne prennent pas le pas sur les objectifs de développement durable.
Avec l’une des plus fortes émissions de CO2 par habitant de l’Union européenne, le Luxembourg est confronté à un défi majeur en matière de justice climatique. Les efforts du Luxembourg restent insuffisants pour financer le fonds international de compensation pour les pertes et dommages subis par les pays les plus vulnérables. Le Luxembourg doit aller plus loin, en alignant ses actions sur ses responsabilités historiques dans la lutte contre le changement climatique.
Les droits humains sont un pilier essentiel pour des sociétés résilientes. Face à la montée des discours populistes et autoritaires et aux reculs en matière de droits civils dans certains pays, le Luxembourg est appelé à redoubler d’efforts pour garantir que ses actions, tant sur le plan national qu’international, soient en cohérence avec ses engagements de défense des droits humains.
Le Luxembourg, réputé pour sa place financière, manque encore d’ambition en matière de protection des droits humains et de respect des normes environnementales par le secteur de la finance. Le Fair Politics critique une politique trop permissive, qui ne met pas suffisamment en place les garde-fous nécessaires. L’alignement sur les meilleures pratiques internationales apparaît comme un impératif pour éviter que les intérêts financiers ne prennent le pas sur les valeurs de solidarité et de respect des droits fondamentaux.
Le programme gouvernemental 2023-2028 met en avant une tendance persistante : le primat de l’économique dans la politique de coopération au développement. Cette approche risque de diluer les engagements sociaux du Luxembourg, en orientant l’aide vers des actions qui bénéficient avant tout aux intérêts nationaux. Il est crucial de réaffirmer une solidarité internationale sincère, qui privilégie les partenariats basés sur les besoins des populations locales plutôt que sur les intérêts économiques.
Il est urgent de renforcer la cohérence des politiques de l’Union européenne avec les objectifs de développement. Le Luxembourg, en tant qu’acteur de premier plan au sein de l’UE, doit être à la pointe de ce mouvement. Pour cela, il doit veiller à ce que ses actions nationales et européennes respectent une logique de développement équitable, prenant en compte les impacts à l’échelle mondiale.
La série Fair Politics fait partie des efforts de la société civile luxembourgeoise à veiller sur la politique de coopération internationale du Grand-Duché et à contribuer à ce qu’elle soit efficiente, efficace et orientée vers l’éradication de la pauvreté, qui est définie par la loi comme l’objectif principal de la coopération internationale du Luxembourg. Au cours des prochains mois, les ONGD présenteront les analyses et conclusions du Fair Politics 2024 à différents acteurs et instances politiques et administratives, et feront du travail de sensibilisation auprès du grand public.
Le Fair Politics 2024 est disponible en version digitale ici.