Stop aux à bas prix de l’alimentation …et à la souffrance qu’ils génèrent

Paroles du Sud – septembre 2018

Les chaines d’approvisionnement de la grande distribution, avec leur pression folle sur les prix, sont devenues un lieu de souffrances humaines (et animales) intenses où les inégalités s’aggravent. Une récente étude d’OXFAM (Derrière le code-barre : des inégalités en chaînes) présente de nouvelles données empiriques sur la compression acharnée des revenus des paysans et sur le déni généralisé des droits du travail parmi celles et ceux qui fournissent différents produits aux supermarchés du monde entier.
En se mondialisant au cours des dernières décennies, les chaînes d’approvisionnement agricoles  sont passées sous la coupe d’ un petit nombre de groupes agroalimentaires et d’enseignes de grande distribution  qui règnent sur un secteur rassemblant des millions de producteurs agricoles et une population de consommateurs de plusieurs milliards, en constante augmentation.

« Au cours des 20 dernières années, les supermarchés ont empoché une part croissante de l’argent que ses clients dépensent en caisse en contrepartie de la baisse de la part dévolue aux producteurs de denrées alimentaires : la part du prix final à la consommation qui revient aux agriculteurs, agrégés au niveau mondial, a reculé pour passer de 16% en 1995 à moins de 14% en 2011, les agriculteurs de certains pays ne recevant que 7 % de ce prix en moyenne », explique l’étude d’OXFAM.

Les inégalités se creusent

Mais les grands gagnants ne sont pas que les supermarchés : les parts ont également augmenté pour les fournisseurs d’intrants, les prestataires de services, les négociants et les industriels. Au final, ce sont  les inégalités entre les rémunérations de la main d’œuvre et celles du capital qui se sont creusées. L’étude d’OXFAM dénonce :  « Les supermarchés se sont arrogés le pouvoir d’extraire le maximum de valeur d’immenses chaines d’approvisionnement qui produisent des milliards de dollars de profits pour les entreprises et de dividendes pour les actionnaires. Parallèlement, le pouvoir de négociation des paysans et des travailleurs s’étiole de plus en plus dans beaucoup des pays où les supermarchés s’approvisionnent. »

Tout cela dans l’ombre, car ces chiffres flattent les PIB en générant de l’activité économique et pourtant, «  à l’échelle mondiale, 780 millions de personnes ont beau travailler, elles se trouvent en situation de pauvreté. Les progrès réalisés pour réduire les taux de travailleurs pauvres ralentissent partout dans le monde et semblent faire marche arrière dans les pays les plus pauvres. »

L’étude permet de comprendre comment les 82% de la richesse mondiale créée  a pu bénéficier aux 1% les plus riches de la planète (chiffres 2017) !

Derrière le rideau, dans l’obscurité de la masse anonyme,  avec des revenus trop bas, les paysans et travailleurs voient leur accès à une alimentation suffisante menacé.  Et pourtant, nous dit OXFAM,  « seulement 10% des dividendes versées aux actionnaires des trois premières chaines de grandes surfaces américaines en 2016 suffiraient pour hisser au minimum vital le salaire de plus de 800 000 ouvriers du secteur thaïlandais de la crevette »…

Tant que les paysans et les travailleurs ne recevront pas une part accrue de la valeur de leurs produits, les inégalités continueront  de se creuser et les progrès réalisés pour lutter contre la pauvreté s’enrayeront. Agir/ réagir est pourtant possible : en renforçant radicalement la transparence de la chaine d’approvisionnement, on parviendrait à enrayer « la poursuite des pires abus à l’insu de tous et en toute impunité ».

Sensibiliser consommateurs et investisseurs aux réalités qui se cachent derrière leurs courses alimentaires quotidiennes, c’est leur permettre de jouer un rôle de citoyens pour rééquilibrer le pouvoir dans les chaines d’approvisionnement et faire en sorte que les producteurs de notre alimentation soient récompensés à hauteur de leur travail et de leurs investissements.

Sans oublier l’autre axe de transformation, celui qui privilégie des chaines d’approvisionnement courtes, desservant les marchés locaux et réduisant le nombre d’intermédiaires entre producteurs et consommateurs,  soutenant les entreprises locales, augmentant l’emploi et le capital local. Mais pour ce faire, un soutien du secteur public et des investissements est requis…

Marine Lefebvre

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