Si vous mangiez moins de hamburgers, nous pourrions manger !

…ou le procès qui aura lieu demain, si nous ne changeons rien à nos habitudes…

S’il n’a pas encore eu lieu, ce procès n’est pas inimaginable à une échéance qui se rapproche à grands pas, dans un monde où une minorité se gave sans modération. En gaspillant les ressources naturelles qu’on sait pourtant limitées, la population nantie tarde à     remettre en question ses habitudes de consommation… Comment lui faire comprendre que ce gaspillage s’apparente à la confiscations des ressources de tous ceux qui n’ont pas le minimum vital, ni davantage les moyens de faire respecter leurs droits ?!

Selon la FAO (Food and Agriculture Organization), la consommation mondiale de protéines animales a doublé en moins de 50 ans pour atteindre 229 millions de tonnes en 2009. Elle devrait encore augmenter de 70% (465 millions de tonnes) d’ici 2050 pour assouvir l’appétit carnivore croissant des humains, si nos choix alimentaires poursuivent la même tendance. En 2010, en moyenne, une personne consommait plus de 80g de protéines par jour, contre 62g cinquante ans plus tôt, la part des protéines animales étant passé de 25g à 41g par habitant et par jour…

Or, dans le monde, le bétail occupe 30% des terres, en comptant les champs utilisés pour produire leur alimentation. Les monocultures de soja occasionnent d’immenses déforestation, réduisant ainsi les capacités d’absorption du CO2 par la végétation. Irrigation et utilisation d’intrants chimiques augmentant encore les émissions de carbone et la consommation d’eau. Ainsi, selon les calculs du Center for investigative reporting (CIR), un sandwich contenant un steak d’environ 110 grammes, émet presque 3 kilos de CO2 et utilise 2 400 litres d’eau ! Au total, la viande bovine serait responsable de presque 10% de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre …

Eliminer la faim d’ici 2030…

Dans le même temps, sur la même planète, et malgré l’engagement pris en 2015 par la Communauté internationale d’éliminer la faim d’ici à 2030, nous sommes passés de 784 millions de personnes en situation de sous-alimentation chronique en 2015, à 804 millions en 2016 et 821 millions en 2017 : le rapport sur l’état de la sécurité alimentaire et nutritionnelle dans le monde publié ce 11 septembre par 5 agences des Nations-Unies, souligne que la faim et l’obésité coexistent dans de nombreux pays, touchant en premier lieu les familles les plus pauvres, soit parce qu’elles n’ont pas accès à la nourriture, soit parce qu’elles sont les plus exposées à une nourriture de mauvaise qualité, à forte densité énergétique et pauvre en nutriments.

Mais ce que les agences des Nations unies n’osent pas encore pointer du doigt, c’est la responsabilité de l’agriculture industrielle, principale vecteur des émissions de gaz à effet de serre et de destruction de la biodiversité. En accaparant terres et eau dans les communautés rurales des pays du Sud, en gaspillant des ressources précieuses, cette agriculture contribue à rendre plus vulnérable les populations les plus pauvres.

Cette spirale infernale n’est pas une fatalité !

En face de ce système destructif, contrôlé par une poignée de multinationales, il y a plus de 500 millions de fermes familiales, produisant plus de 80 % de la nourriture dans le monde. Bien qu’elles ne réussissent pas toujours à en vivre, elles représentent l’alternative pour un modèle vertueux qui est de plus en plus largement promu : l’agroécologie commence à s’imposer au sein de la FAO comme le meilleur modèle pour lutter contre la faim, réduire la pauvreté rurale et répondre aux défis du changement climatique. Dans le même temps, les Nations-Unies ont décrété une décennie de l’agriculture familiale (2019-2028), tandis que les Nations Unies viennent d’adopté la Déclaration sur les droits des paysans et a lancé un groupe de travail sur la mise en place d’un traité contraignant sur le respect des droits humains par les entreprises.

Changer de modèle en s’appuyant sur l’agriculture familiale, c’est opérer une transition vers des systèmes agroécologiques et vers la souveraineté alimentaire, tout en renforçant les droits des paysans et en restaurant de la régulation dans les échanges commerciaux et en initiant un devoir de vigilance pour les entreprises multinationales.

L’agriculture paysanne est aussi la mieux à même de contribuer au développement des zones rurales et donc à la lutte contre l’exode vers les grandes villes: en la soutenant, c’est un gisement d’emplois inespéré que l’on peut créer, aussi bien dans les pays industrialisés que dans les pays en développement. Et où que ce soit, respecter la terre et les hommes et femmes qui produisent la nourriture, leur permettre de retrouver la dignité confisquée par le système agroindustriel, c’est désamorcer le procès à venir.

Marine Lefebvre

www.sosfaim.lu

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