Le Cirad sensibilise le public, via un communiqué de presse, à la problématique des exportations européennes de poudres de lait vers l’Afrique de l’Ouest. Le Cirad est le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement. Avec ses partenaires du Sud, le Cirad produit et transmet de nouvelles connaissances pour accompagner l’innovation et le développement agricole. Il met son expertise scientifique et institutionnelle au service des politiques publiques de ces pays et des débats internationaux sur les grands enjeux de l’agriculture.
Deux chercheurs du Cirad ont présenté, le 8 décembre devant des députés du Parlement Européen, un rapport sur les impacts environnementaux et socio-économiques des exportations européennes de poudres de lait vers l’Afrique de l’Ouest. L’étude* consiste en une analyse comparative entre lait local et laits en poudre importés – entier et mélanges enrichis en matière grasse végétale (MGV) – selon des critères tels que le revenu, l’emploi, le développement rural, la sécurité nutritionnelle et la préservation de l’environnement. Elle amène les auteurs à formuler plusieurs recommandations à destination des acteurs des filières.
« Pour les pays du Sahel, la vente de lait constitue un moyen de
renforcer les conditions de vie de millions de familles d’éleveurs
pastoraux et agro-pastoraux. Or, l’accès aux débouchés commerciaux pour
ces éleveurs est contraint par la concurrence accrue des importations de
poudres de lait »,
annonce le résumé du rapport.
Seuls 1 à 7 % du lait local est collecté en Afrique de l’Ouest
Selon cette étude du Cirad, les importations de poudre de lait
représentent l’essentiel de la matière première utilisée par les
industries laitières locales. Seules 20 % des laiteries implantées en Afrique de l’Ouest collectent du lait local
. Cette collecte industrielle de lait ne concerne
que
20 000 familles d’éleveurs, alors que « le potentiel du marché est énorme »
selon Guillaume Duteurtre, co-auteur de l’étude. Les industriels doivent en effet répondre à une demande locale qui s’accroît rapidement.
Au total, selon les pays, seulement 1 à 7 % du lait produit localement est collecté.
Le reste est autoconsommé ou commercialisé sur les marchés ruraux.
Ce poids écrasant des importations laitières dans les circuits industriels en Afrique de l’Ouest
s’explique d’abord par les difficultés de collecter du lait en zone
agro-pastorale. Les laiteries font face à l’absence d’infrastructures de
transport, à la dispersion des troupeaux liée à la mobilité pastorale,
et aux faibles rendements laitiers par vache. « Mais surtout, la part des importations de poudres a été renforcée depuis 10 ans par la baisse des barrières douanières ouest-africaines
, et par un regain de dynamisme des exportateurs du Nord »,
précise Christian Corniaux, chercheur au Cirad, co-auteur du rapport.
Exportation à faible coût de poudres de lait enrichis en matière grasse végétale (MGV)
De nombreuses firmes européennes exportent des produits laitiers enrichis en matière grasse végétale, autrement appelées « mélanges MGV
». Ces poudres lactées, 30 % moins chères que les poudres de lait
, utilisent pour la plupart de l’huile de palme. Elles entrent quasiment
sans droits de douane (5 %) à leur entrée sur le marché commun
ouest-africain. En 2019, elles ont représenté plus des deux tiers des importations laitières ouest-africaines, et plus de 25 % de la consommation de « produits laitiers »
(plus de 70 % dans la plupart des capitales ouest-africaines).
Si ces poudres lactées ont par le passé permis aux industries laitières
locales de répondre efficacement à la demande croissante en produits
laitiers en Afrique de l’Ouest, elles ont cependant eu des impacts
socio-économiques négatifs. Le rapport pointe en particulier le manque de transparence et de traçabilité des mélanges MGV européens
exportés en Afrique de l’Ouest, ainsi que sur leurs effets délétères sur le développement local d’une filière lait de qualité et durable
.
Faire évoluer les pratiques d’étiquetage et les nomenclatures des produits à base de poudres enrichies
Le rapport indique qu’environ 30 % des produits à base de
mélanges MGV consommés en Afrique de l’Ouest ne répondent pas aux normes
du Codex en matière d’étiquetage
.
« Les poudres MGV sont constituées à 30 % d’huile de palme
, indique Christian Corniaux. Or, les informations indiquées sur les emballages n’en font pas forcément état.
Les produits élaborés à partir de ces mélanges sont vendus sous le nom
de « lait » ou de « yaourt », ce qui est contraire aux recommandations
du Codex. Ces pratiques génèrent des risques de tromperies, et les
confusions entre produits laitiers et produits de substitution sont
fréquentes.
»
Pour ces raisons, les auteurs du rapport suggèrent que les nomenclatures des produits
utilisées différencient plus clairement les produits à base de mélanges. Il s’agit pour les responsables et régulateurs du commerce international
de respecter des impératifs de traçabilité et de transparence
.
Encourager les démarches responsables des firmes européennes
Alors que les mélanges MGV semblent offrir un débouché à un composant
bon marché (l’huile de palme est 13 fois moins cher que l’huile de
beurre), ils n’intègrent pas d’huiles à haute valeur environnementale,
comme certaines huiles de palme certifiées. A contrario, les systèmes d’élevages ouest-africains valorisent des écosystèmes naturels très riches en biodiversité
. Ces systèmes génèrent par ailleurs moins de gaz à effet de serre, et consomment moins d’énergie fossile
, que les systèmes d’élevage laitiers européens.
Sans remettre en question l’importance de l’approvisionnement en
produits laitiers d’une zone déficitaire telle que l’Afrique de l’Ouest,
les scientifiques soulignent les bienfaits d’une stratégie responsable de la part entreprises européennes
.
« L’écoulement de ces mélanges MGV ne doit pas se faire au détriment du développement des filières laitières africaines
, souligne Guillaume Duteurtre, co-auteur de l’étude. L’Afrique de l’Ouest est riche d’une culture laitière pastorale basée sur de nombreux produits et savoir-faire laitiers, qui sont aujourd’hui très largement sous-valorisés.
»
Cibler des mesures fiscales et d’incitation à la collecte de lait local
Le rapport conclut sur des exemples de mesures fiscales et incitations à la collecte locale
susceptibles de dynamiser la filière. Notamment, rendre le lait en poudre importé moins attractif
pour les industriels, ou encore favoriser la contractualisation et les partenariats entre laiteries et producteurs locaux
.
*L’étude a été commandée par un groupe de députés européens, en réponse à une coalition d’ONG et d’organisations professionnelles (VSF Belgique, SOS Faim, Oxfam, CFSI, Gret, APESS, UMPL-B, etc.)
Découvrez l’article paru sur lequotidien.lu en date du 31 décembre 2020. Celui-ci a été rédigé suite à l’interview de Marine Lefebvre, notre responsable du service Information et responsable Plaidoyer. Il relate, comme le titre l’indique, les problématiques liées aux mesures de gestion des flux migratoires.
SOS Faim : «Migrer, c’était une nécessité de survie» pour les Nigériens.
Pour SOS Faim, les mesures de gestion des flux migratoires, soutenues par l’UE, ont des conséquences dramatiques tant pour les migrants que pour les populations locales dans le nord du Niger.
Porte d’entrée entre l’Afrique de l’Ouest et le Sahara, le
Niger est depuis tout temps un carrefour migratoire. « Dans ces régions très
arides où la vie n’est pas tenable douze mois sur douze, nous ne sommes pas
dans un contexte de sédentarité, mais de transhumance. De plus, les frontières
telles que nous nous les connaissons existaient peu et les gens avaient pour
habitude de se déplacer à l’intérieur de cette vaste zone pour chercher du
travail, notamment jusqu’en Algérie ou en Libye. C’était une nécessité de
survie », expose Marine Lefebvre, responsable du service communication de SOS
Faim Luxembourg qui a noué depuis 2016 un partenariat avec une ONG locale de
défense des droits humains, Alternative espaces citoyens.
Un droit à la libre circulation complètement bouleversé
aujourd’hui et dont les conséquences sont dramatiques, principalement du fait
de l’Europe et sa politique d’externalisation des frontières, qui octroie des
moyens au Niger pour gérer les flux migratoires et éviter que ses ressortissants
ne finissent par franchir la Méditerranée. À la suite du sommet de La Valette
sur la migration de 2015 qui a réuni dans la capitale maltaise les dirigeants
de l’UE et les chefs d’État africains, l’UE, sous couvert d’aide au
développement, a en effet surtout souhaité imposer dans ces pays sa politique
sécuritaire.
«Détentions
arbitraires et de tortures»
Résultat : le Niger a adopté une loi (la loi 2015-036)
relative au trafic illicite des migrants qui se traduit dans la pratique par
l’application de mesures répressives à leur encontre, comme l’explique Marine
Lefebvre : « Les migrants et ceux qui les transportent sont criminalisés. Or
c’était un vrai métier de transporter les gens en camion. Donc, non seulement,
certains perdent leur gagne-pain, mais ceux qui veulent quand même traverser la
frontière évitent Agadez, la porte du Sahara, et empruntent des routes plus
dangereuses. Ils passent désormais par des zones désertiques plus grandes où
ils mettent leur vie en danger, mais aussi dans des zones dévolues aux bandes
armées et aux terroristes. Beaucoup de témoignages font en outre part de
détentions arbitraires et de tortures. »
L’Organisation internationale pour les migrations (OIM),
liée aux Nations unies, déclarait ainsi l’an passé avoir secouru environ 20 000
migrants dans le désert du Sahara depuis 2016. Autre signe de cette insécurité
permanente dans la zone : en septembre dernier encore, un charnier de 71
personnes a été découvert à Tillabéri, dans le nord-ouest du pays.
Quant aux autorités algériennes, elles refoulent ceux qui
ont réussi à passer et les déposent à un «point zéro» situé à la frontière du
Niger. « Charge à eux de rejoindre à pied la première ville nigérienne qu’ils
trouvent. Le principe de non-refoulement n’est absolument pas respecté.
Certains migrants parviennent à retourner à Agadez, mais cela accentue encore
la pression sur les services publics et détériore les conditions de vie de tout
le monde. Il n’y a plus de petits boulots disponibles. Certains se tournent
donc vers les mines aurifères, véritables zones de non-droit où ils sont alors
exploités, voire assassinés. Dans un contexte où cette circulation est
nécessaire, son interdiction a entravé toute la mobilité de quantité de
populations qui n’ont pas d’autres accès à la survie ! C’est une approche qui
fragilise la stabilité et l’économie de toute la région », s’insurge Marine
Lefebvre.
Insécurité renforcée
Cette législation va pourtant à l’encontre non seulement des
droits humains mais aussi d’autres conventions, comme le traité de la
Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui permet
depuis 1979 la libre circulation des personnes. Surtout, si les flux migratoires
vers l’Europe ont effectivement diminué, « proportionnellement aux gens qu’on
entrave, ces mesures ne sont pas significatives. L’immigration à l’échelle
internationale, c’est 3 % des migrations seulement, l’essentiel des migrations
est intrarégionale », affirme Marine Lefebvre.
Même le Parlement européen dénonce cette politique
d’externalisation des frontières. Dans sa «Mise en œuvre du nouveau cadre de
partenariat avec les pays tiers – Le cas du Niger», publié en 2019, le service
de recherche du Parlement affirme que «la diminution des flux migratoires [qui
résulte de la coopération entre l’UE et Niamey], applaudie par les partenaires
européens, a des conséquences néfastes sur l’économie locale centrée sur le
fait migratoire. La crise économique menace les équilibres fragiles des ethnies
du Sahara entre elles ainsi qu’avec le gouvernement central et renforce
l’insécurité, tant pour les migrants victimes des abus que pour la population
locale, encore plus fragilisée.»
«Le Parlement européen a mis en garde dès 2017 contre une
vision trop étroite et à court terme de la politique externe de l’UE et contre
le risque de détourner les fonds de la politique du développement vers les
objectifs purement sécuritaires, en plaidant pour une approche de la migration
centrée sur les droits de l’homme», peuton encore lire dans ce rapport. D’après
Oxfam, sur les 253 millions d’euros du fonds fiduciaire de l’UE pour l’Afrique,
122 millions ont été affectés au contrôle des migrations.
Parce que la lutte contre la faim passe aussi par notre assiette, SOS Faim a décidé d’investir dans des initiatives citoyennes alternatives au Luxembourg, à travers son programme IDEAL (Investir pour le développement d’alternatives au Luxembourg). Ces investissements prolongent la campagne de sensibilisation www.changeonsdemenu.lu. A ce jour, SOS Faim a investi 75.000 EUR dans les coopératives TERRA (www.terra-coop.lu), OUNI (www.ouni.lu), EPISOL (www.eisepicerie.lu), KILOMINETT0 (www.transition-minett.lu) et ALTERCOOP (www.altercoop.lu), à hauteur de 15.000 EUR dans chaque coopérative. En devenant coopérateur de ces petites sociétés, SOS Faim complète ainsi les investissements de centaines de particuliers sensibles à une alimentation locale, biologique et de saison. Alors que la crise sanitaire fragilise ces initiatives, elles ont plus que jamais besoin de nous !
Zoom sur Alter’Coop.
En 2018, une poignée d’acteurs de la Transition au Luxembourg a décidé de créer à Luxembourg un « supermarché coopératif et participatif » pour répondre à leurs besoins. Pouvoir consommer mieux, favoriser la production locale, faire du bien à la planète tout en faisant du bien à son porte-monnaie.
Les missions d’Alter’Coop se situent à deux niveaux :
Sociales : Le
prix des parts de la coopérative est sensiblement réduit pour les coopérateurs
les moins aisés. Notre volonté est de permettre au plus grand nombre d’avoir
accès à une alimentation plus saine en proposant des prix qui le permettent.
Environnementales
: L’ambition de limiter notre impact sur la planète en proposant des produits
biologiques ou issus de circuits courts, limitant ainsi émissions de gaz à effets
de serre et utilisation de produits phytosanitaires
La coopérative fonctionne autour de 4 objectifs :
Proposer des produits de qualité à un meilleur
prix.
Favoriser l’accessibilité financière aux
produits Locaux et Biologiques pour tous.
Proposer une offre la plus complète possible de
produits (pouvoir faire toutes ses courses chez Alter-coop)
Un projet social et environnemental, développé
et porté par ses membres
Comme vous l’avez lu, l’un
des objectifs est de proposer une offre la plus complète possible de produits. Dans
ce sens, chez Alter’Coop, vous pourrez trouver : jus, vins rouge
italiens, bières, savons de chez ArtSavon à Kayl, produits d’entretien,
cafés du Moulin de Dieschbourg, thés, pâtes Biog et de chez Maxim à Esch,
quinoa, riz, légumes en conserves, chips, farines, chocolats GEPA, cookies,
Madeleines, l’huile d’olive grecque d’un petit producteur, du lait avec et sans
lactose, du papier toilette, du savon d’alep, des pâtes sans gluten, les
confitures eppelpress, du pain de fleurs, œufs, parmesan, le jus de pommes
et les vins de chez Fru, pâte à tartiner sans huile de palme et pop-corn.
N’hésitez pas à y aller faire vos courses. C’est bon pour votre porte-monnaie, pour la planète et pour soutenir le projet qui démarre !
Séminaire 2020 organisé par AEC – Alternative Espaces Citoyens. Brèves informations.
Chaque fin d’année, l’association AEC organise un séminaire des leaders de la société civile et des organisations paysannes afin de mettre en débat les enjeux stratégiques du secteur agro-sylvo-pastoral, les entraves à l’amélioration des conditions de vie et de travail des populations rurales, sans oublier la problématique du financement public de ce secteur.
L’édition 2020 de ce séminaire s’est inscrite dans le contexte des échéances électorales de fin d’année et a été placée sous le thème : Placer les droits fondamentaux du monde rural au cœur de l’agenda électoral de 2020-2021.
Durant trois jours, du 4 au 6 décembre, les participants, au nombre d’une
centaine, ont pu débattre de différents sujets tels que : « Principaux
droits des paysans et enjeux de leur mise en effective » ;
« Changement climatique et sécurité alimentaire et nutritionnelle » ;
« Changement climatique et agroécologie » ; « Évolution
du financement des secteurs sociaux (santé, éducation) de 2016 à 2021 »
« Regard critique sur l’évolution du financement du secteur de
l’agriculture et de l’élevage de 2016 à 2021 ».
La spécificité de l’année 2020 a concerné l’audition d’une dizaine de candidats aux élections présidentielles et législatives du 27 décembre prochain. Dans l’après-midi du vendredi 4 décembre 2020, de 16h à 20h00, les paysans et paysannes présents ont pu poser leurs questions directement aux candidats et les interroger sur leur vision et leurs priorités en matière de développement du secteur agro-sylvo-pastoral.
Cette contribution de l’association Alternative Espaces Citoyens au débat
public et démocratique, malheureusement trop rare dans nombre de pays de la
sous-région, montre, si besoin en était, toute la crédibilité de l’association
pour jouer son rôle d’acteur de la société civile utile et responsable.
Au Mali, la population fait face à de nombreuses crises successives : politique, économique, alimentaire, sécuritaire. C’est sans compter les effets redoutés de la pandémie du coronavirus qui vient fragiliser davantage la situation socio-économique de la population. La sécurité alimentaire au Mali est préoccupante : plus de 3 millions de personnes sont concernées dont un million en insécurité alimentaire grave.
Le secteur agricole occupe 65% de la population mais ne contribue qu’à environ 38,5% du PIB du pays. Ceci traduit les faibles performances de l’activité agricole, principale cause de pauvreté. Le potentiel agricole du Mali est pourtant colossal et pourrait largement contribuer à la lutte contre la faim. Malheureusement, ce potentiel n’est pas exploité comme il pourrait l’être, faute de capacités techniques et organisationnelles, mais surtout faute de moyens.
Le réseau des caisses villageoises d’épargne et de crédit autogérées (CVECA)
Malgré le contexte difficile, afin de renforcer les activités agricoles au Mali, SOS Faim a développé un nouveau partenariat avec le réseau des caisses villageoises d’épargne et de crédit autogérées (CVECA) dans la région ‘Office du Niger’ (ON) au Mali.
Le réseau des CVECA-ON/Ségou a des caisses dans 64 villages au Mali. En partenariat SOS Faim appuie le réseau dans sa stratégie d’extension et de décentralisation pour ouvrir deux nouvelles caisses villageoises dans les villages de Touna (37.000 habitants) et de Konobougou (48.377 habitants).
Le potentiel de la région est immense. Paradoxalement, l’activité économique a du mal à se développer. Mais alors pourquoi? Deux obstacles majeurs semblent se dessiner:
L’accès difficile au crédit;
Le manque de fonds de roulement.
En quoi ces caisses changeront la vie des gens?
Le manque d’opportunités économiques de la région pousse les jeunes à migrer vers la ville, vers d’autres pays en quête d’un avenir meilleur. Les deux caisses financées par SOS Faim contribueront à donner un avenir aux villageois sur leurs terres, notamment les jeunes.
En l’absence d’option formelle pour déposer ou épargner leurs avoirs, la population se voit obligée de les cacher avec les risques que cela comporte, au vu de la situation sécuritaire de la région. Selon une enquête, les intentions de dépôts d’épargne de la population locale varient entre 7€ et 200€ par ménage. Les caisses permettront de sécuriser la précieuse épargne des villageois.
Un exemple concret: dans la région, les femmes récoltent les fruits du karité. Organisées en groupements solidaires, elles pourraient ouvrir des unités de transformation, produire du beurre de karité et le vendre sur le marché. Actuellement, le manque de moyens les empêche de pouvoir se lancer dans une telle activité de transformation qui permettrait d’augmenter significativement le revenu de la famille. Grâce aux caisses, ce ne sera plus le cas.
Enfin, l’accès au crédit permettra aux agriculteurs de se fournir en intrants, en semences et en petits outillages nécessaires en début de campagne agricole.
Comment fonctionne une caisse?
Les caisses rurales sont encadrées par un «comité de gestion» constitué de cinq membres de la population locale et d’un technicien de l’institution de microfinance. Ce comité évalue les demandes de crédit. Étant donné son ancrage local, ses membres connaissent chaque demandeur et sa capacité de paiement, ce qui explique la grande réussite des crédits en termes de remboursement. Les crédits octroyés varient entre 150€ et 4.000€ sur une durée de 6 à 36 mois.
Un monde sans faim est possible grâce à une agriculture locale, familiale et durable.
Au Mali, avec ce nouveau partenariat, nous accompagnons les villageois à investir dans leur avenir à travers l’épargne et le crédit
Organisé cette année dans le cadre des Transition Days, le marché des Alternatives s’est déroulé le dimanche 18 octobre au Carré. Malgré un contexte sanitaire délicat, les exposants ont largement répondu présents et le public nous a fait le bonne surprise de répondre à l’appel, dans le plus grand respect des gestes barrière. Ceux-ci n’ont pas empêchés de venir à la rencontre des producteurs locaux d’une alimentation responsable et durable, de découvrir de nouvelles initiatives ni de goûter les mets préparés selon des recettes artisanales qui apprivoisent les protéines végétales et les produits lacto-fermentés.
Les plus de 500 visiteurs qui se sont répartis sur l’ensemble de la journée ont apprécié la combinaison d’une possibilité d’achats en vente directe et d’échanges avec les producteurs, et la mise à disposition d’informations variées autour du thème de la transition vers des systèmes alimentaires durables : exposition sur la notion de « prix juste », animation sur le projet 2000m2, atelier Fantastic Food et restaurant fictif « Le monde des gourmets » , offraient des moyens variés de mieux comprendre les enjeux de nos choix alimentaires eu égard aux défis environnementaux, climatiques et d’une plus juste répartition des richesses entre pays du Nord et du Sud. La conférence de Laura Petersell et la projection du film Soyalism ont également apporté matière à réflexion.
Le « European Microfinance Award » 2020 a pour thème « Encourager une épargne efficace et inclusive ». Cette thématique souligne le rôle crucial que l’épargne peut jouer pour les populations à faible revenu et exclues. Elle met également en évidence le rôle des bailleurs de fonds pour encourager et généraliser l’accès à l’épargne.
Les trois finalistes de ce concours sont connus depuis le 1er octobre. Parmi ceux-ci, deux partenaires de SOS Faim : Buusaa Gonofaa Microfinance et RENACA-Bénin.
Participez à la cérémonie !
La cérémonie aura lieu jeudi 19 novembre de 14h00 à l’occasion de la Semaine Européenne de la Microfinance (SEM 2020). Cette cérémonie se déroulera en ligne et vous pourrez y accéder sur ce lien : https://www.european-microfinance-award.com/stream/
Buusaa Gonofaa Microfinance (BG) est une institution de microfinance (IMF) éthiopienne qui propose des crédits, de l’épargne et le financement de la chaîne de valeur agricole à des segments pauvres de la population, en particulier les femmes. BG a été sélectionnée pour « Dejaf Iqub », une initiative d’épargne basée sur une relation de proximité avec le client et qui offre un moyen sûr, facile et attrayant d’épargner grâce à la collecte régulière, au domicile ou sur le lieu de travail, de petits dépôts associés à un objectif. Dejaf Iqub cible les micro-entrepreneurs informels qui disposent de flux de trésorerie actifs et dirigent des entreprises dans des centres commerciaux à forte densité de population.
RENACA-Bénin est une union de coopératives qui cible des populations à faibles revenus et vulnérables, principalement dans les zones rurales. L’initiative d’épargne de RENACA se concentre sur la collecte de l’épargne locale, au domicile ou sur lieu de travail, via une large gamme de produits (tontine de proximité, dépôts à terme et à vue), et sur la promotion de l’épargne par le biais de groupes d’épargne et de crédit autogérés/communautaires. L’utilisation d’une application mobile et de tablettes permet d’assurer la sécurité et la fiabilité des transactions. Ces produits sont soutenus par un large éventail de services d’éducation financière et de services non financiers.
Dispositif de financement de l’agriculture familiale, Agri+ a été mis en œuvre par SOS Faim sur mandat du Ministère luxembourgeois des Affaires étrangères et européennes (Direction de la Coopération et de l’Action Humanitaire). Cette note a été réalisée en collaboration avec Montpellier SupAgro et Lessokon (Moussa Tassembedo).
Le droit à l’alimentation est un droit humain fondamental et universel qui appartient à chaque personne et chaque groupe humain. Pourtant aujourd’hui, en Afrique, 19,1% de la population est sous alimentée*.
Un monde sans faim est possible grâce à une agriculture locale, familiale et durable. Depuis 1993, SOS Faim Luxembourg défend cette vision et accompagne des organisations de producteurs agricoles (OPA) dans leur structuration et dans la mise en place d’une offre de services destinés à leurs membres. SOS Faim renforce le dialogue entre ces organisations et les institutions financières et les soutient dans leur accès aux services financiers.
En 2016, SOS Faim élargit son dispositif d’appui au financement agricole au Burkina Faso, au Mali et au Niger en créant AGRI+.
Quels sont les objectifs ?
Dans un contexte où l’agriculture et l’alimentation représentent un défi économique, social et écologique crucial pour les sociétés ouest-africaines, l’objectif prioritaire d’Agri+ est de développer des mécanismes durables et équitables de financement de l’agriculture familiale en vue de sa modernisation.
Focus sur le volet formation du dispositif Agri+
Parmi les outils mis en œuvre figure un programme de formation – action à destination des organisations paysannes des trois pays sahéliens, considérées comme des acteurs essentiels du système financier agricole par Agri+ . L’objectif de ce programme de formation est de donner des clés aux organisations paysannes afin de faire les bons choix en matière de financement : compréhension du marché agricole et de ses acteurs ; capacité de réflexion stratégique sur leur modèle économique ; analyse fine des besoins financiers de leurs membres ; capacité de montage de projets viables et capacité de négociation avec les institutions financières. Les formations ont débuté en avril 2017 et, depuis cette date, plus de 90 organisations paysannes, soit près de 300 personnes, ont été formées dans les trois pays.
Quels sont les premiers effets observés ?
Ci-après, vous trouverez une première note d’analyse sur les effets du programme de formation Agri+. La lecture de cette note, tirée d’une première étude qualitative réalisée par L’institut Agro – France (Betty Wampfler), le cabinet Lessokon – Burkina Faso (Moussa Tassembedo) et l’équipe Agri+ de SOS Faim vous permettra d’en savoir plus sur les premiers résultats obtenus après un cycle de formation d’organisations paysannes.
* Source : « The state of Food Securit and Nutrition
in the World – 2020 » – publiée par les agences des Nations Unies : FAO, OMS,
PAM, Unicef, IFAD – 13/07/2020
Sous-alimentation : consommation alimentaire insuffisante pour fournir
l’apport énergétique alimentaire nécessaire à une vie active et saine.
Cet article a été publié dans le cadre des Transition Days et constitue l’un des nombreux moyens utilisés pour aborder le thème de l’alimentation. « How to live together in one planet world“, telle est la question globale posée cette année par les Transition Days. Durant 9 mois, nous tenterons d’y répondre en examinant 9 thèmes différents, tels que l’alimentation, l’énergie ou le transport, en utilisant la métaphore d’une maison et ses 9 différentes pièces. Les articles mensuels permettent d’analyser ces sujets sous un angle plus théorique ou politique. Découvrez toutes les infos sur le site dédié : www.transitiondays.lu
Courant avril 2020, en pleine période de confinement, une auditrice de la radio France Inter avait jugé utile de décrocher son téléphone pour faire part aux auditeurs de son effarement face au prix des bottes d’asperges… Si, au premier abord, la futilité de cette intervention pouvait sembler choquante, ce cri du cœur cachait en fait une réalité d’une grande complexité et qui n’était pas sans rapport avec la crise collective que nous étions en train de vivre…
Tandis que l’Est de l’Allemagne est notamment spécialisé dans la production d’asperges, cette culture repose largement sur une main d’œuvre saisonnière sous payée, venue des pays de l’Est européen. En cette période de mesures d’exception, ces mains d’œuvre saisonnières n’ont pas été libres de réaliser leur migration saisonnière habituelle et les producteurs ont du se tourner vers des main d’œuvre locales, occasionnant un coût salarial bien supérieur. D’où, logiquement, des hausses de prix importantes.
“Et qui tire les marrons du feu ? Les gros industriels qui maitrisent leurs marges et manient le chantage à l’emploi en toutes circonstances…”
…Sauf qu’en matière de prix, la logique est rarement de mise et on
pourra invoquer aussi bien de mauvaises conditions climatiques qu’une
contraction de la demande… voire mille autres raisons pour expliquer les
variations de prix des produits agricoles. On a même dénoncé, suite à
la crise de 2008, le rôle des spéculateurs sur les matières premières
agricoles pour expliquer l’envolée des prix des matières premières sur
le marché mondial. Dans une telle complexité, si le consommateur ne s’y
retrouve pas, le producteur n’est guère plus avancé. Et qui tire les
marrons du feu ? Les gros industriels qui maitrisent leurs marges et
manient le chantage à l’emploi en toutes circonstances…
L’impasse de la mondialisation néolibérale et productiviste Agriculteurs,
producteurs et consommateurs se sentent bien souvent piégés par un
système dont les règles du jeux ne sont ni équitables, ni durables. Or,
la crise de la COVID jouant un rôle d’accélérateur des
dysfonctionnements, certains observateurs, tel Gérard Choplin,
spécialiste des politiques agricoles, prédisent « le commerce
international agricole marche sur la tête et pourrait nous jouer des
tours dans les prochains mois. Ses règles, qui datent de 1994 (création
de l’OMC, Organisation mondiale du commerce) et formatent notre
Politique agricole commune, favorisent les exportations/importations et
défont les mesures de sécurité alimentaire comme la constitution de
stocks ou la régulation des marchés. Importer du soja du Brésil,
transformé en porc dans de grands élevages danois surendettés, puis
exporté au Japon en laissant le lisier sur place, est un non-sens qui
produit beaucoup d’externalités négatives et de fragilité économique.
Mondialiser les prix agricoles à des niveaux inférieurs aux coûts de
production et verser des sucettes aux paysan.nes pour qu’ils continuent à
produire quand même a été criminel ». 1
C’est ainsi que 20% des fermes reçoivent 80% des aides de la PAC dans l’UE, tandis qu’au sein « des chaines d’approvisionnement alimentaire, les acteurs dominants ne cessent de s’enrichir, alors que de l’autre côté de la chaine, la valeur revenant aux agriculteurs est passée de 31% en 1995 à 21% en 2018. » 2
Comment en est-on arrivé là ? Quelques rappels : dès
1962, la PAC (politique agricole commune) se donne pour but de
“moderniser“ l’agriculture et d’assurer un “emploi optimal des facteurs
de production“ au niveau du continent. De nombreux instruments et
subventions ont donc promu l’intensification et la standardisation de la
production et de la distribution des produits agricoles en Europe, afin
d’inscrire l’agriculture du continent sur les marchés mondiaux. Malgré
quelques efforts pour le développement rural, l’écoconditionnalité et le
“verdissement“, la PAC (aujourd’hui encore le premier poste de dépense de l’UE)
reste fondée sur une politique néolibérale qui va à l’encontre de
l’agriculture paysanne et de la souveraineté alimentaire des
territoires.
Par ailleurs, la création de bassins de production
intensifs et spécialisés a soumis l’ensemble des régions européennes à
la concurrence de ces pôles. Cela a à la fois favorisé la disparition
des paysans et des systèmes de subsistance locaux dans les campagnes
européennes, et entrainé des mouvements migratoires de travail agricole
vers ces mêmes pôles agro-industriels. Le cas d’Almería, dans le Sud de
l’Espagne, est emblématique d’une agriculture industrielle mondialisée
qui repose en partie sur la disponibilité d’une main d’œuvre flexible,
précaire, et bon marché.
Ajoutons à cela la substitution de monocultures intensives, aux pratiques circulaires qui combinaient agriculture et élevage pour enrichir la terre de manière naturelle de sorte que, sur les quelques 6 000 espèces de plantes cultivées à des fins alimentaires, moins de 200 contribuent désormais de manière substantielle à la production alimentaire mondiale, et moins d’une trentaine fournissent 90 % des calories consommées, dont plus de 40 % dues au seul trio céréalier blé/riz/maïs. 3
Or ces monocultures sont particulièrement vulnérables aux maladies, aux ravageurs et aux aléas climatiques, nécessitant toujours plus d’intrants (engrais, eau, pesticides…), tandis que la raréfaction de la biodiversité fragilise les écosystèmes qui sont moins à même de résister au changement climatique. 4 Songeons encore à cet autre non-sens : l’UE est exportatrice nette de produits agricoles et pourtant, elle « externalise de plus en plus l’empreinte environnementale de ses systèmes alimentaires et 31% des terres utilisées pour répondre à la demande alimentaire de l’UE se trouvent hors d’Europe » ! A l’UE qui a signé les accords de Paris, les experts rappellent l’obligation d’une mise en cohérence de ses politiques pour cesser d’encourager l’exportation dans les secteurs de la viande et du lait, deux secteurs très émetteurs de gaz à effet de serres. « Les différentes politiques de l’UE, adoptées dans des perspectives sectorielles et divisées, entrainent une certaine inefficacité à cause de leurs incohérences et contradictions. » 5
“Relocaliser, c’est ne plus faire de l’emploi et de la planète les variables d’ajustement de la rentabilité économique et financière.”
La relocalisation pour atteindre le prix juste ? Relocaliser, tel est le crédo d’un nombre croissant d’acteurs, comme en témoigne cette tribune publiée le 7 juillet 2020 dans le quotidien français Libération, et signée par un collectif composé de syndicats et de comités divers : A Bruxelles comme à Paris, endiguer le virus du libre-échange ; « Après, comme avant la pandémie, la Commission veut décourager les restrictions aux échanges par une ouverture continuelle des marchés afin de sécuriser l’accès aux matières premières, garantir aux multinationales européennes leur mainmise sur les chaînes d’approvisionnement à des coûts aussi faibles que possible, et les aider à conquérirde nouveaux marchés. (…) Relocaliser, c’est remettre les pieds sur terre. Relocaliser, c’est tourner la page d’une politique commerciale qui fait du dumping social, fiscal et écologique un horizon indépassable. Relocaliser, c’est ne plus faire de l’emploi et de la planète les variables d’ajustement de la rentabilité économique et financière.(…) C’est enfin substituer à la logique du «produire plus, toujours plus vite, moins cher et n’importe où, avec moins de travail et moins de contraintes environnementales» celle du «produire mieux, via des emplois de qualité, des processus de production préservant la planète, des circuits courts, pour satisfaire les besoins essentiels des populations». 6
Dans les pays du Nord comme dans ceux de Sud, une part croissante de la population est soucieuse de se réapproprier son alimentation et participe de l’émergence d’initiatives innovantes qu’on rassemble sous le terme de Systèmes alimentaires territorialisés : gouvernance et gestion collective des ressources, partage de la valeur ajoutée, les innovations donnent aux collectivités territoriales de nouveaux outils pour reconstruire un tissu de producteurs et transformateurs au service du territoire. Et c’est l’une des innovations mise en valeur pas les experts d’Ipes-FOOD qui prônent une politique alimentaire commune pour l’Europe en lieu et place de la PAC : « une politique qui concerne l’ensemble du système alimentaire, qui regroupe les différentes politiques sectorielles qui influencent la production, la distribution et la consommation des produits alimentaires et qui replace au cœur de toute action la transition vers la durabilité. » 7
Le rôle du consommateur Si des alternatives se dessinent, comment leur permettre de s’imposer ? Le rôle du consommateur est loin d’être négligeable et sa prise de conscience peut contribuer à inverser les rapports de force. Charge à lui de ne plus accepter un système de commercialisation qui dédouane les filières industrielles des externalités négatives qu’elles génèrent : Jusqu’aux années 60, la part du budget des ménages consacrée à l’alimentation s’élevait à près de 30% pour stagner désormais autour de 11% dans les pays industrialisés, alors qu’il avoisine encore les 50% dans les pays subsahariens !… N’y a –t-il pas collectivement un effort à faire pour payer les producteurs au juste prix au lieu d’enrichir les actionnaires des multinationales de l’agro-alimentaire et de devoir payer à travers nos impôts les conséquences sociales et environnementales de la compression des prix ?
En Allemagne, pays du “hard-discount”, les enseignes de distribution telles que Aldi et Lidl s’engagent régulièrement dans des guerres de prix pour gagner la faveur des consommateurs. Mais ces pratiques sont de plus en plus controversées outre-Rhin et une réflexion sur la répartition de la valeur entre agriculteurs, transformateurs et distributeurs a été entamée par le gouvernement d’Angela Merkel. 8 Dans le même temps, le groupe Aldi faisait l’acquisition de six mille hectares de terres agricoles pour 40 millions d’euros en Thuringe, dans l’est de l’Allemagne. 9
“[…] il est attendu des pouvoirs publics de tous les pays de l’UE qu’ils renoncent à apporter prioritairement le soutien de financements publics à une forme de production agricole qui peut être assimilé a un ‘système d’exploitation du vivant sous toutes ses formes’.”
Cette vente “à une entreprise étrangère au monde agricole, qui plus est à
un discounter”, a été jugée “irresponsable” par le ministre de
l’Agriculture de Thuringe, Benjamin-Immanuel Hoff, membre du parti de
gauche Die Linke. L’élu a dénoncé un cas d’accaparement de terres,
phénomène qui a d’ailleurs pris de l’ampleur ces quinze dernières
années, un peu partout dans le monde : « de gros
investisseurs privés rachètent des terres, font grimper les prix, ce qui
chasse les petits agriculteurs locaux. Le placement peut être
attractif, surtout quand il donne droit à des millions d’euros de
subventions européennes de la PAC. Les opérations sont parfois opaques ;
des investisseurs préfèrent avancer masqués, en prenant des parts dans
les sociétés acquéreuses ».
Selon l’Institut de recherche Thünen, qui a mené l’étude sur le territoire de l’ex-RDA, « entre 2008 et 2018, le prix d’achat des parcelles a augmenté de 216 %10. Là encore, le système de subventions de la PAC est dans le collimateur car c’est lui qui indexe le montant des aides à la surface agricole, conduisant à des situations injustes et absurdes. Outre la mise en œuvre d’une profonde réforme de la PAC, il est attendu des pouvoirs publics de tous les pays de l’UE qu’ils renoncent à apporter prioritairement le soutien de financements publics à une forme de production agricole qui peut être assimilé à un « système d’exploitation du vivant sous toutes ses formes ». Pour définir et adopter des normes plus équitables et, disons-le, plus sensées, les pouvoirs publics pourront notamment s’appuyer sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales qui, depuis 2018, reconnaît une spécificité des problèmes rencontrés par cette catégorie de population à travers le monde et décrète, entre autres : LE DROIT À UN REVENU DÉCENT ET À DES MOYENS DE SUBSISTANCES DÉCENTS AINSI QU’À L’ACCÈS AUX MOYENS DE PRODUCTION NÉCESSAIRES (ARTICLE 16 DE LA DÉCLARATION).11
Cette avancée majeure est le fruit de la lutte menée pendant 25 ans par
le plus grand mouvement social de la planète, La Via Campesina, fondée
en 1993 et regroupant aujourd’hui quelques 250 millions de paysan.ne.s à
travers le monde. Ils ont réussi à se faire entendre devant l’Assemblée
générale des Nations Unies et ce, malgré l’opposition de certains
lobbies industriels qui ont convaincu quelques Etats de s’opposer à ce
texte. : lorsque 122 pays ont voté pour, 8 ont voté contre, parmi
lesquels on trouve sans surprise les Etats-Unis, l’Australie, Israël et
le Royaume-Uni. Quant à la majorité des Etats de l’UE, ils se sont
abstenus, à l’exception notable du Portugal et…du Luxembourg qui ont
tous deux apporté leur appui au mouvement paysan !
Mais, contrairement à ce que Paulette Lenert, alors Ministre de la coopération et de l’action humanitaire a pu laisser entendre lors de son intervention au Séminaire qui s’est tenu le 15 novembre 2019 au Luxembourg pour la mise en œuvre de la Déclaration 12, ce texte ne peut se satisfaire de sa seule dimension symbolique et doit être porté par tous ceux qui veulent mettre fin à « la destruction de millions d’êtres humains par la faim ». 13 Notons que dans son accord de coalition, l’actuel gouvernement luxembourgeois a inscrit des mesures allant dans le sens de la transition écologique et de la relocalisation de la production alimentaire mais … celles-ci tardent à se concrétiser : approvisionnement des cantines en produits locaux avec des méthodes de production durables, création de structures de transformation des produits locaux et saisonniers, création d’un conseil politique alimentaire ; autant de projets qui doivent permettre de nous réapproprier notre alimentation pour atteindre la souveraineté alimentaire.
Vers une mobilisation massive de l’opinion publique et des consommateurs ? « Pour
la première fois de son histoire, l’humanité jouit d’une abondance de
biens. La planète croule sous les richesses. Les biens disponibles
dépassent de plusieurs milliers de fois les besoins incompressibles des
êtres humains. Mais les charniers aussi augmentent. » 10
A nous, habitants des pays industrialisés et prédateurs des matières premières des pays en développement, la production de masse continue de nous donner accès à une alimentation abondante et bon marché ( du point de vue du porte-monnaie du consommateur du moins). Mais qu’on ne s’y trompe pas ; cette époque d’insouciance ne saurait plus durer et gageons que la « Corporate Due Diligence and Corporate Accountability » (ou devoir de vigilance des entreprises ; ) finira par concerner aussi les consommateurs que nous sommes. Les externalités négatives sont de plus en plus couteuses et ne nous autoriseront plus longtemps à faire l’impasse sur leurs conséquences, tant du point de vue social qu’environnemental. La nécessaire réforme passe par une prise de conscience des consommateurs qui peuvent renforcer les mouvements sociaux engagés pour des changements radicaux. Selon les experts d’Ipes-FOOD, la transition de système alimentaire ne sera possible que moyennant une mise au pas des lobbies de l’agro industrie qui ont trop d’influence sur les décisions politiques de l’UE et l’empêche de s’émanciper des intérêts court-termistes des investisseurs.
La transition alimentaire que les citoyens appellent de leurs vœux n’est
pas une chimère ; la réforme du système alimentaire est probablement le
levier le plus accessible pour une la lutte contre les émissions de gaz
à effet de serre et leurs conséquences sur le climat. Le consommateur
trouvera dans l’agriculteur le meilleur des alliés si sa préoccupation
cesse d’être celle du prix le plus bas pour devenir celle du prix juste,
de la qualité et de la durabilité sociale et environnementale ! Et si
enfin, à un système d’accaparement de la valeur ajoutée par
quelques-uns, nous parvenons à substituer une répartition plus équitable
des ressources naturelles et des richesses, seule voie pour faire
réellement reculer le fléau de la faim : « Sur le milliard de
personnes gravement et chroniquement sous-alimentées, les seigneurs du
capital mondialisé exercent un droit de vie et de mort. Par leurs
stratégies d’investissement, par leur spéculations boursières sur les
aliments de base, par les alliances politiques qu’ils concluent, ils
décident chaque jour de qui a le droit de vivre sur cette planète et de
qui est condamné à mourir ». 10
Ecrit
avant la pandémie de COVID-19, ces propos de J. Ziegler trouvent une
étrange résonance avec les alertes actuelles lancées par la FAO selon
laquelle les diverses mesures restrictives justifiées par la crise de la
COVID-19 (fermeture des frontières et des marchés, interdiction d’accès
aux champs, interruption des échanges, etc…) pourraient précipiter 100
millions de personnes dans l’extrême pauvreté et la faim. 14
Meng Landwirtschaft organise une Table Ronde pour discuter de la surproduction de lait et ses conséquences néfastes pour les éleveurs européens et ouest-africains.
Date : 16 octobre 2020 Heure : de 12h à 14h00 Lieu : CARRÉ – 1 Rue de l’Aciérie – L-1112 Luxembourg Inscription : en cliquant ici
A propos de l’évènement
La crise laitière en Europe est liée à une situation de surproduction. Or, ce phénomène s’aggrave depuis 2015 et la fin des quotas qui limitait jusque-là la production. Aujourd’hui, la pandémie du Covid-19 plonge les éleveurs laitiers européens dans une nouvelle crise. À cause du confinement, les agriculteurs n’ont pas pu écouler leur stock de lait et le prix au litre s’est encore effondré. En réponse à cette crise, la Commission européenne répète les mêmes erreurs et finance un stockage des excédents de lait, notamment sous forme de lait en poudre. 90 000 tonnes de poudre de lait risquent ainsi aujourd’hui d’être exportées à bas prix en Afrique, au détriment des éleveurs ouest-africains qui aspirent à pouvoir développer la filière locale.
La plateforme Meng Landwirtshaft organise une Table Ronde le 16 octobre. Les intervenants suivants seront présents :
Hindatou Amadou, productrice laitière, porte-parole de la campagne Mon lait local, Burkina Faso (via ZOOM)
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